Pouvez-vous nous présenter rapidement le baromètre du SAV ?
Le Baromètre du SAV Fnac Darty souffle cette année sa troisième bougie. Cet outil a été créé avec la vocation d’aider le consommateur dans son acte d’achat, en lui permettant d’identifier facilement les produits les plus durables dans diverses catégories (petit et gros électroménager, informatique…). Il s’appuie notamment sur l’analyse des données récoltées par notre service après-vente Darty lors de ses interventions auprès de nos clients (620 000 en 2019). Son ambition première est donc de permettre à chacun de disposer d’une information objective et transparente sur la durabilité des produits lui permettant d’opérer “un choix éclairé”.
Cette année, 63 catégories de produits ont été étudiées et analysées, contre 15 l’an dernier. Chaque marque dans sa catégorie est présentée avec son score de durabilité. Cet indicateur unique en son genre permet en un coup d’œil de mesurer les efforts réalisés par les fabricants pour faire durer leurs produits. Il est calculé à partir de la fiabilité mesurée par les techniciens du SAV Darty, et de la réparabilité du produit. En effet, si un produit doit être remplacé (pièces détachées non disponibles par exemple) plutôt que réparé lorsqu’il tombe en panne, celui-ci sera considéré comme moins durable. Il est donc important d’inclure les deux aspects pour calculer la durabilité.
Quelles sont les principaux enseignements de cette 3ème édition et quelle est l’évolution globale de la durabilité ?
Le premier enseignement est que la durabilité des produits reste relativement stable mais progresse (l’indice global augmente légèrement, passant de 100 en 2018 à 105 en 2019). Cette augmentation de la durabilité s’explique principalement par l’allongement de la durée de disponibilité des pièces détachées. En 2018, la durée de disponibilité moyenne s’élevait à 7 ans, contre 10 aujourd’hui. C’est une très bonne nouvelle car cela facilite la réparation de produits plus âgés. Si ce progrès global est positif, les disparités sont fortes entre les différentes catégories de produits. Des améliorations assez importantes sont à noter du côté du gros électroménager, ainsi que pour le petit électroménager. Certains produits ont encore une marge importante de progrès en matière de durabilité, et voient même leur score global baisser comme les TV, les montres connectées ou encore les réfrigérateurs américains.
Le deuxième enseignement est que même au sein des familles d’appareils les moins vertueuses, il existe de véritables différences de durabilité entre les marques. Ainsi, si le score moyen des centrales vapeurs s’établit à 82, on voit que la marque leader Rowenta se détache du lot et obtient un score de 110. Cela nous montre que même dans les catégories les moins durables, des solutions peuvent être mises en place pour améliorer la durabilité.
Pensez-vous que l’obsolescence logicielle, avec des produits de plus en plus connectés, ait un rôle à jouer dans le manque de durabilité des produits ?
La réponse à cette question n’est pas forcément évidente. En effet, certains faiblement connectés comme les radios sont peu réparables à cause du coût de la réparation, élevé par rapport au prix du produit neuf.
Néanmoins, il est vrai que des produits tels que les montres connectées sont particulièrement peu réparables, mais cela nous semble lié à la faible capacité technique de réparer ces produits.
Quelles sont les réactions des fabricants à ce baromètre et avez-vous vu une évolution au fil des années ?
La première année, le lancement du baromètre fut une vraie surprise pour les fabricants. Avec cette troisième édition, ce n’est plus le cas : au contraire, les fabricants attendent les résultats du baromètre pour voir leur progression. Ceux qui sont cités dans le podium du baromètre sont fiers de cette reconnaissance, tandis que les marques hors du podium contactent Fnac Darty pour s’améliorer.
Il est également intéressant de noter que la portée du baromètre dépasse la France et progresse même à l’international. Certains groupes allemands, américains, coréens nous contactent pour avoir plus d’informations sur le baromètre et explorer des pistes pour améliorer leur score.
Cela nous montre que la France peut influencer les politiques de conception de grandes marques étrangères, grâce à la mise en place de cette émulation. Une approche qui semble porter plus de fruits que l’imposition de normes techniques à l’échelle nationale, qui pourrait démotiver les fabricants à investir dans un marché assez restreint comparé au marché global.
Prévoyez-vous d’afficher ce baromètre en magasin ?
La communication de ce baromètre est en effet clé pour augmenter sa visibilité et son utilité. Pour cela, nos équipes de vente ont été mobilisées et formées pour être capable de connaître et d’expliquer les résultats. Nous testons actuellement un affichage pour que le baromètre soit le plus visible possible en magasin.
Par ailleurs, les résultats serviront à améliorer la sélection de produits » Choix Durable » lancée en juin 2019. Cette sélection permet aux consommateurs d’identifier très facilement les produits les plus fiables et les plus réparables référencés. Un choix durable qui a un véritable effet sur les ventes, puisque celles-ci peuvent être multipliées par 4 à 10 grâce à l’apposition du logo.
Quelles sont les prochaines étapes de Fnac Darty pour continuer d’améliorer la durabilité des produits ?
Nous constatons depuis quelques années un mouvement de fond d’amélioration de la durabilité via une augmentation de la fiabilité et surtout grâce la réparation. Des plans d’amélioration sont prévus avec les marques non citées qui ont obtenu les scores les plus faibles. Si cela ne fonctionne pas, nous prévoyons de prendre des mesures coercitives qui pourraient aller jusqu’au déréférencement des marques n’atteignant pas un certain seuil de durabilité.
Par ailleurs, il y a un important travail à faire sur la réparation en elle-même. Aujourd’hui, 2 lave-linge sur 3 sont achetés après une panne non réparée. Cela pose question, car les lave-linge font partie des produits les plus réparables. Il va falloir analyser et lever les freins à leur réparation.
En effet, développer des produits toujours plus durables et réparables ne changera pas grand-chose si on ne peut pas trouver des solutions économiquement pérennes pour aider les consommateurs à changer leur mode de consommation et les inciter à la réparation.
Quelles sont vos retours sur la loi économie circulaire passée en février ?
Nous avons toujours fait preuve de militantisme sur cette loi, en travaillant sur ce sujet avec l’ADEME, HOP et les Amis de la terre. C’est en partie notre travail avec ces associations qui a permis de mettre en place l’indice de réparabilité qui entrera en vigueur le 1er janvier 2021. Beaucoup de choses vont dans le bon sens et cette mesure devrait pousser les fabricants à concevoir des produits plus réparables. L’objectif doit désormais être de passer à l’action le plus vite possible avant de penser à un élargissement vers d’autres catégories de produits comme le petit électroménager par exemple.
Cependant, il va falloir être vigilants sur la mise en place de cette loi, notamment par rapport aux plateformes de e-commerce, qui sont plus difficiles à contrôler. Par ailleurs, des questions se posent sur la mise en place pratique des mesures, notamment sur le fonds de réparation.
Avez-vous des exemples d’entreprises ou d’initiatives qui vous inspirent ?
Même si il y a encore du progrès à faire, je pense que Yuka est une application très intéressante qui gagnerait à être reproduite dans d’autres domaines, car elle a la capacité à rendre digeste une information complexe.
Aujourd’hui, obtenir des informations sur l’impact environnemental d’un produit peut être un vrai défi, et les données qu’il faut obtenir pour mieux comprendre la réparabilité et la fiabilité sont très dures d’accès ou non accessibles au grand public.
Cela nous renforce dans notre conviction que la durabilité passera par la sensibilisation du public et la mise en place d’outils simples et pratiques.